En partageant les derniers articles, je me suis sentie inconfortable. Ce n’est pas simple pour moi de m’exposer. La peur du jugement.
Avant de publier le dernier, j’ai beaucoup hésité. Je l’ai partagé d’abord à mon cercle proche. Puis, les premiers retours sont arrivés…
« Ce sont des réflexions intéressantes mais…
… il ne faut pas stigmatiser les institutions qui restent indispensables pour autant de Français.
… c’est risqué de questionner la pilule, alors qu’elle est si importante pour autant de femmes.
… le système scolaire / médical n’est pas aussi anti-féministe que suggéré. »
Des retours légitimes, que j’avais moi-même demandés. Alors pourquoi est-ce si difficile de les digérer ? Pourquoi me font-ils remettre tout mon projet en question ?
Puis, j’ai pris le temps de respirer et décidé de relire ces retours en enlevant les lunettes de la peur (merci Lucile Gomez pour l’image qui reste bien ancrée en moi !).
Continuer à défendre le système jusqu’à pousser au suicide ?
Est-ce que ces retours me surprennent ? Non. C’est notamment pour cela que je sens qu’il faut que je partage mes réflexions.
Est-ce qu’ils contredisent mes propos ? Non plus. Je défends essentiellement qu’il y a des sujets que nous n’avons presque plus le droit de questionner publiquement.
L’hôpital sauve des vies ? Oui. Certains enfants s’épanouissent mieux à l’école que dans leur contexte socio-familial ? Oui. Y a-t-il des professionnel.le.s compétent.e.s et engagé.e.s dans des institutions qui fonctionnent mal ? Oui, et j’en suis vraiment reconnaissante. La pilule est importante pour beaucoup de femmes ? Oui, elle a été importante pour moi plus de 20 ans. Je suis donc d’accord avec eux. Néanmoins, pouvons-nous débattre en profondeur de ce qui ne va pas sans blocage de principe ?
Pouvons-nous mettre en lumière toutes ces femmes qui sortent de la maternité mutilées et traumatisées au point que le taux de dépression du post-partum ne cesse d’augmenter ? Au point qu’en France le suicide soit devenu la première cause de mortalité maternelle jusqu’à un an après la grossesse ?
Bien sûr, heureusement que ce n’est pas le cas de toutes les femmes. Et, oui, c’est dommage de faire peur à de futures mamans alors qu’elles ont surtout besoin d’amour et de réassurance. Mais ce n’est pas une raison pour taire une partie de la réalité. Pour ne pas les préparer à des risques assez élevés. Pour oublier que des jeunes mamans aujourd’hui en France choisissent de mourir alors qu’elles viennent de donner la vie.
Comment se poser de bonnes questions si nous n’osons pas parler de ce qui ne va pas ? Comment trouver des solutions, construire de nouveaux modèles ou explorer des alternatives pertinentes, qui sont aujourd’hui marginalisées par la société et les politiques publiques ?
Des sujets tabou pourtant essentiels
Il y a tant de choses qui ne sont pas acceptables aujourd’hui et dont je n’osais pas vraiment parler car il ne faut pas être « trop radical » ou « attaquer les institutions » ou encore « questionner les acquis »…
… une maman qui est menacée d’avoir la police qui l’attend à la sortie de la maternité parce qu’elle a refusé de donner de la vitamine K à son nourrisson tant qu’on ne lui prouvait pas que les bénéfices étaient supérieurs aux risques (et que cette action n’est pas obligatoire),
… une jeune maman à qui on retire son nourrisson et l’ainée alors que tout le monde va très bien parce qu’elle a choisi d’enfanter à la maison, sans assistance (et que ce n’est pas interdit),
… des enfants subissant de l’harcèlement scolaire ou souffrant de troubles divers ou de handicap qui sont obligés de rester scolarisés alors que leurs parents veulent les protéger et les instruire à la maison,
… une petite fille retirée de sa famille d’accueil dans laquelle elle vivait depuis bébé car la famille voulait l’adopter et il y avait donc « trop d’attachement’ affectif » entre eux ou alors une famille d’accueil à qui on retire ses 3 enfants parce qu’elle a osé écrire une lettre pour alerter sur le dysfonctionnement des services de protection de l’enfant,
… des nourrissons placés à l’hôpital qui atteignent des états dépressifs par manque de carence affective, au point de ne plus avoir l’envie de vivre.
Et encore…
Toutes ces mamans qui racontent leurs expériences traumatiques à l’hôpital, que ce soit pour la naissance ou l’allaitement de leur bébé, comme celle à qui on fait une révision utérine manuellement sans anesthésie car « si elle a décidé d’accoucher à la maison, c’est parce qu’elle n’avait pas peur de la douleur ». Les témoignages sont infinis dans des podcasts comme L’Ovaire du Décor, Mon Post Partum, Récits Ocytociques, Nées en Conscience, Physiologie + Intuition…
Parfois ce sont même les professionnel.le.s de ces mêmes institutions, de la maternité, de la santé, de l’enfance, de l’éducation, qui en parlent. La sage-femme Anna Roy, par exemple, qui déclare que le système tel qu’il existe aujourd’hui les rend maltraitantes. Des institutrices qui décident d’instruire leurs propres enfants à la maison. Une psychologue de l’enfance qui décide de devenir nomade pour ne pas avoir à scolariser ses enfants.
Ma vie est elle aussi un fait divers
Ce sont essentiellement des faits divers ? Oui, bien-sûr. Mais des faits divers très nombreux, que je vois passer régulièrement. Et qui me concernent moi aussi :
… quand l’échographiste arrête de me parler et m’expédie quand je lui dis que j’envisage un accouchement à domicile
… lorsqu’on on m’incite à choisir une césarienne parce mon bébé est en siège sans me présenter les risques et sans me dire que c’est surtout parce que les équipes à la maternité ne sont pas formées pour des accouchements en siège
… quand à la maternité on me dit que si je ne peux plus marcher cela n’a rien à voir avec ma césarienne et qu’on me laisse partir chez moi en fauteuil roulant avec un bébé dans les bras, sans savoir quoi faire pour pouvoir de nouveau marcher
… qu’à la PMI on me reproche de ne pas donner du lait de croissance à mon enfant alors qu’il a été allaité jusqu’à 18 mois, qu’il est bien diversifié et rarement malade
Et tout cela dans l’intérêt de qui ?
Pas des femmes, des mères.
Ni des bébés, des enfants.
Ni des familles.
Dans l’intérêt de protéger l’honneur d’un système et des institutions défaillantes dont les moyens sont de plus en plus contraints pour réussir à servir l’intérêt général. De protéger des protocoles et des normes souvent dépassés mais qui rassurent. De protéger des acquis historiques qui ont stagné et ne sont plus suffisants. Et parfois, de servir probablement inconsciemment des intérêts commerciaux.
Reconnaître et se libérer de ses peurs : un travail sans fin
Je ne peux plus vivre en me taisant. Je ne peux plus vivre avec la peur du jugement. La peur de ce que les autres vont penser de moi si j’ose en parler. Qu’on me dise trop radicale ou pas assez juste avec des personnes et des institutions qui sont censées nous protéger.
La peur ne peut pas être le moteur de ma vie. Elle y arrive bien pourtant, en se camouflant sous plein de couches très rationnelles à l’intérieur de moi-même.
Que faire maintenant que tout cela est exposé ? Et voilà une autre peur qui se dévoile : la peur de ne pas avoir les moyens de faire grande chose. D’être démunie. Car transformer le système, un système si bien en place, même de l’intérieur, c’est mission impossible. Je le sais bien car je l’ai essayé de nombreuses années. Que ce soit dans le développement durable ou dans la finance.
Et là aussi de la peur : la peur de devoir abandonner et de partir à l’inconnu. De sortir plus que jamais de ma zone de confort. De ne plus essayer de me battre contre le système mais de l’accepter tel qu’il est, un système défaillant et mourant, tout en migrant petit à petit vers des systèmes alternatifs. D’accepter que je suis souveraine de moi-même, que j’ai le choix et même la responsabilité d’agir. Que le système c’est moi et que c’est par là qu’il faut commencer.
Des nouvelles de mon projet
Le prototype de mon générateur de projet de naissance est en ligne ! Ce n’est qu’un formulaire pour l’instant, je travaille sur une belle interface afin de le rendre plus ergonomique. Mais la première version du contenu et du parcours sont déjà disponibles et vous pouvez le tester ou le partager avec de futures mamans autour de vous.
Le but de cet outil est d’aider à construire un projet de naissance, le document que nous présentons à la maternité lorsque nous avons des souhaits spécifiques pour un accouchement (concernant la péridurale ou le clampage du cordon, par exemple).
En quoi cet outil est précieux ? D’abord il va au-delà des sujets basiques en intégrant de bout en bout tout le processus de la naissance. Il permet à chaque femme, à chaque couple, de se poser les bonnes questions en amont. De connaître leurs choix, même si la sage-femme ou la maternité ne les abordent pas.
Puis, vous y trouverez tous les cas particuliers rarement abordés dans un projet de naissance : diabète gestationnel, dépassement de terme, siège, jumeaux, macrosomie (les fameux gros bébés !), antécédent de césarienne, toxoplasmose… Des cas où le risque de se retrouver dans un protocole qui ne nous convient pas et de croire que nous n’avons pas le choix. Alors que oui, nous avons toujours le choix, à plusieurs niveaux.
Chaque partie sera enrichie au fur et à mesure avec de la documentation annexe afin de permettre aux futurs parents d’être bien informés sur les points qui sont importants pour eux.
Je cherche actuellement des testeuses et des retours pour l’améliorer avant de passer à la prochaine étape. Si cela vous parle, pouvez-vous le partager autour de vous ?
Photo : Chris Carzoli / Unsplash
Laisser un commentaire