Le féminisme enchaîné

Si je ne voulais pas donner une image de radicalisation, m’attaquer au féminisme après mon dernier article sur l’éducation et la maternité n’est peut-être pas la meilleure stratégie.

J’ai essayé pourtant. A plusieurs reprises. J’ai tout un autre article sur un sujet beaucoup plus consensuel quasiment fini. Mais, à chaque fois que je l’ouvre, je me disperse. Et, si je m’écoute vraiment, je sais. Mon nouveau projet vient des profondeurs de moi-même et visiblement il a des messages plus importants à faire passer.

En travaillant sur l’un des axes du projet, destiné aux futurs pères, je me rends compte que j’ai peur. Alors que je n’ai aucun doute quant à la pertinence de leur fournir des outils pour qu’ils deviennent de véritables gardiens de la naissance, des souhaits de leur partenaire, j’ai peur d’être attaquée par des mouvements féministes. J’ai peur qu’on considère que j’essaye de faire dominer les hommes dans cet univers naturellement féminin (même si, aujourd’hui, il l’est assez peu – mais ça c’est un tout autre sujet). Et comme rien n’est plus instructif qu’explorer ses peurs, que ce soit en entreprenant ou dans la vie en générale, j’ai plongé dedans. Et c’était bouleversant.

De la peur aux questions

J’ai grandi en me pensant féministe, une femme libre. Pour moi, cela voulait dire que je pouvais, voire que je devais, avoir les mêmes ambitions qu’un homme, surtout en termes de carrière. Avoir un poste de responsabilité, manager, gagner autant que mes pairs. Je n’étais pas sûre de vouloir avoir des enfants car, en partie, j’étais convaincue que cela m’éloignerait de la liberté. Je me souviens même d’avoir dit à ma maman qu’hommes et femmes, nous étions pareils. Mère, père, c’était pareil. Elle était choquée, cela ne m’a pas étonné. Moi j’y croyais profondément. C’était cela que j’avais perçu du féminisme en grandissant, en grande partie transmis par les médias.

Puis, bien plus tard, je suis devenue moi-même maman. J’ai vécu la transformation de mon corps. Deux fois. Deux accouchements. Toutes les montagnes russes du post-partum. L’aventure de l’allaitement. Et là j’ai commencé à me poser des questions.

Étais-je en train de perdre ma liberté ? Ou étais-je tout simplement en train de découvrir ce qu’est vraiment être une femme libre ?

Si nous sommes biologiquement différents sur des points aussi importants (la grossesse, l’accouchement, l’allaitement en sont de bons exemples), que veut dire cet idéal d’égalité homme-femme, qui me tient si à cœur ?

Pourquoi n’avons nous plus le droit de dire publiquement qu’il est légitime d’exprimer des doutes sur l’impact de la pilule sur nos émotions et sur notre corps, qu’on ne veut pas la péridurale, qu’on veut rester à la maison le plus longtemps possible avec notre bébé, voire d’arrêter de travailler, qu’on souhaite allaiter au-delà de 6 mois… sans qu’on émette des doutes sur notre féminisme ? Elle est où la liberté ?

Attention : les luttes féministes nous ont permis et nous permettent encore aujourd’hui d’acquérir des droits fondamentaux. Je ne les mets pas du tout en cause. Il est important de sécuriser et de protéger ces droits. Mais en rendant certains sujets tabous, on limite nos libertés en tant que femme. Être libre de suivre la norme d’une “femme féministe”, ce n’est pas être vraiment libre.

J’ai eu l’impression d’avoir été arnaquée. D’avoir passé la majorité de ma vie à chercher une liberté institutionnalisée, plutôt que la vraie liberté. D’avoir été une féministe enchaînée, plutôt qu’une femme vraiment libre.

Je savais que j’avais besoin d’un nouveau départ après la vente de WE DO GOOD. Mais je ne pensais pas que ce serait à autant de niveaux. Sans m’en rendre compte, j’ai suivi formation sur formation, au point de me demander si je n’essayais pas de répondre à mon syndrome de l’impostrice qui revenait avec la peur de me lancer dans un nouveau sujet. Mais non, chaque formation est arrivée au bon moment et a contribué à ce chemin de déconditionnement. Sur le monde des naissances, bien-sûr, mais aussi sur l’entrepreneuriat et la vie en général. Je vous partage aujourd’hui quelques uns de ces déconditionnements pas évidents pour moi.

Notre rythme de travail idéal ne peut pas être le même

Le cycle hormonal d’une femme est d’environ 28 jours avec des variations très importantes. Quant aux hommes, leur cycle hormonal est plutôt journalier, avec un pic de testostérone le matin. En plus, les hormones qui nous régissent ne sont pas les mêmes, avec des impacts très différents.

Je me suis rendue compte que pendant presque 20 ans je me suis complètement déconnectée de mes cycles. Que je n’ai pas du tout été à l’écoute de mon corps, en partie dans le but d’atteindre cette égalité tant rêvée. Que longtemps cela a été plutôt un fardeau. C’était inimaginable pour moi de dire à mes collègues que j’avais mes règles, que j’avais mal, que j’avais besoin de passer la journée au lit… je n’étais pas une « femme faible » !

Aujourd’hui des initiatives comme « Kiffe ton cycle » accompagnent les femmes pour les aider à mieux se connaître et à en tirer parti, même dans un cadre professionnel. Car oui, il peut y avoir des jours où c’est difficile (certains pays comme l’Espagne ont même mis en place des congés menstruels). Mais il y a aussi des périodes dans le cycle où nous sommes pleines d’énergie et d’une efficacité redoutable. L’aborder de cette manière a été une révélation pour moi. Qu’est-ce que ce serait utile de l’apprendre dès l’école !

Et si l’égalité homme-femme incluait la possibilité de concilier le rythme de travail et le rythme physiologique de chacun.e ? Et si cela nous apportait plus d’efficacité mais aussi plus d’épanouissement au travail ?

Les garçons ne peuvent pas apprendre de la même manière que les filles

Même dès le plus jeune âge, des différences apparaissent. Par exemple, entre 3 et 6 ans les garçons produisent énormément de testostérone, cela fait partie de leur développement. Cela veut dire tout simplement que, à cet âge là, ils doivent faire beaucoup d’activité physique. C’est leur corps qui le leur dicte.

Or, garçons ou filles, on impose à tous de passer la majorité de leur journée assis dans une classe. On demande aux petits garçons d’être calmes et attentifs, alors qu’ils ont besoin de bouger. Cela augmente leur niveau de stress et de distraction, ce qui expliquerait en partie l’augmentation de diagnostiques de troubles de comportement et de déficit d’attention.

Combien d’instituteurs et d’institutrices sont sensibilisés à ce sujet ? Je ne sais pas. Mais en tant que maman d’un garçon et d’une fille, cela me pose énormément de questions. Comment m’assurer que plutôt que de chercher à leur proposer une éducation égale, je vais pouvoir leur proposer plutôt une éducation adaptée, qui répond aux besoins de chacun ? Et est-ce que ça existe dans le système éducatif qu’on nous impose ?

Si vous avez lu mon précédent article, cela a un lien direct avec toute ma réflexion autour de l’instruction de famille et le fait que la France est aujourd’hui un pays où cela est quasiment impossible.

Les papas ne fonctionnent pas de la même manière que les mamans

Quand j’ai eu ma fille, je croyais vraiment qu’on allait pouvoir gérer cet enfant à 50/50. Puis j’ai été confrontée à la réalité et je me suis sentie tiraillée entre ce que mon intuition me disait et mon cerveau. La fatigue et les montagnes russes hormonales, m’ont fait tout remettre en question plusieurs fois par jour. Au fur et à mesure, j’ai commencé à intégrer que nous ne pouvions pas être pareils. Et, non, ce n’est pas qu’une histoire d’allaitement.

Plusieurs études le démontrent, dans les couples hétérosexuels, les papas produisent plus d’ocytocine (l’hormone de l’amour et du lien d’attachement) lorsqu’ils jouent avec leurs enfants. Les mamans, quant à elles, produisent plus d’ocytocine lors de contacts affectueux, comme des câlins, ou en s’occupant des enfants.

Et ce n’est pas tout. Après une grossesse et un accouchement, le cerveau de la maman change profondément, au point d’y laisser des traces visibles à vie. Il se calibre pour qu’elle devienne plus sensible à tout ce qui touche de près ou de loin aux bébés. Certaines zones comme celle du langage deviennent temporairement moins actives, car elles ne sont pas nécessaires pour répondre aux besoins d’un nourrisson. Ce qui explique en partie les difficultés de retour au travail, le fait de se sentir nulle, de ne plus avoir de mémoire, oublier des mots, même de questionner ses motivations profondes.

Un papa (ou plus globalement un.e partenaire) qui passe beaucoup de temps à s’occuper de son enfant, aura lui aussi des changements similaires sur son cerveau, mais à moindre degré.

Un dernier petit indicateur de cette transformation profonde qui vivent toutes les mamans et que je trouve personnellement assez magique : des fragments d’ADN fœtal sont présents dans le corps de la mère indéfiniment après la grossesse. Même en cas de fausse couche ! Cela veut dire que les mamans portent avec elles des fragments de leurs bébés, de TOUS leurs bébés, à vie.

Avec une découverte comme celle-ci, je n’avais plus aucune marge de manœuvre ni l’envie de tenter de convaincre qui que ce soi ni moi-même de cet idéal d’égalité homme-femme que j’ai toujours porté en moi.

Perdre la liberté en ayant des enfants ?

Aujourd’hui je me rends compte qu’une de mes pires constructions mentales était celle qu’avoir des enfants nous fait perdre notre liberté de femme. Qu’il faut profiter avant d’avoir des enfants. Alors certes c’est une vie différente mais, personnellement, ce sont mes enfants qui m’ont appris la liberté.

C’est grâce à eux que j’ai challengé mon éducation, que j’ai confronté mes parents, que j’ai remis en question mes choix professionnels et que j’ai pu mettre en lumière tous ces choix, grands ou petits, faits par conformisme ou pour atteindre des objectifs qui n’étaient pas vraiment les miens.

A ce sujet, il suffit de les regarder : les enfants sont par nature des modèles de liberté. Bien-sûr, ils ont tout un tas d’apprentissages à faire pour que leur liberté soit respectueuse de celle des autres. Mais ils sont libres et capables de s’écouter.

Puis, on commence à leur dire qu’il faut être assis quand ils ont besoin de bouger. Et qu’il faut finir leur assiette alors qu’ils n’ont plus vraiment faim. Ils apprennent que leur corps ne leur communique pas les bons messages, qu’il ne faut pas l’écouter. Ils s’en déconnectent. Pour, plus tard, en tant qu’adultes, ramer pour apprendre à s’écouter de nouveau.

Peut-on choisir une autre voie ? Plus cohérente et efficace ? Peut-on faire des choix qui faciliteront la vie aux adultes de demain ?

Un sujet qui touche les hommes eux aussi

Je parle de féminisme, mais ce n’est bien entendu pas qu’une histoire de femmes. Les hommes eux-aussi subissent les conditionnements de notre société patriarcale.

J’en ai déjà parlé des petits garçons qui aujourd’hui risquent plus que les filles d’avoir des difficultés à l’école parce qu’on leur impose un cadre qui est contraire à leurs besoins et qui ne leur permet pas d’apprendre efficacement. Un cadre qui les catégorise très vite comme des hyperactifs ou comme ayant des troubles d’attention, de comportement, d’apprentissage. Parfois ils en sont même sous médication pour traiter ces troubles ! Un cadre qui leur dit qu’il ne faut pas écouter leur corps ni leurs besoins.

Et, plus tard, des futurs pères qui peuvent se retrouver perdus dans ce rôle aujourd’hui étrange de devoir être présents à l’accouchement mais sans transmettre de stress alors que la large majorité n’a pas eu de préparation dédiée. Un futur père qui doit défendre les souhaits de sa partenaire mais qui aura probablement du mal à tenir face à une équipe médicale et des protocoles. Un homme qui en post-partum se retrouve à devoir remplacer tout un village de soutien qui n’existe quasiment plus, tout en se construisant en tant que père. Mission très difficile à accomplir sans en prendre énormément sur soi.

L’arnaque de la liberté institutionnalisée

Qu’est-ce que tout cela veut dire ? Tout ce bouleversement de valeurs m’a beaucoup questionnée. Être féministe, c’est quoi en fait ? Tel que je le vivais, je me rends compte que j’ai surtout été amenée vers une forme de féminisme qui nous fait rentrer dans un moule de société patriarcale. Qui nous empêche d’être vraiment libres de nos choix et surtout, libres de faire des choix qui peuvent sembler comme un rejet de l’évolution de la société actuelle : enfanter à la maison, ralentir, vivre pleinement ses cycles, instruire ses enfants. Mais faut-il les voir comme un rejet de l’évolution de la société ou simplement comme des actes de souveraineté individuelle ? Des actes de souveraineté qui sont permis par les droits acquis jusqu’ici et qui leur donnent encore plus de valeur.

Pourquoi ai-je décidé de partager ce sujet ? Car il a changé profondément ma façon d’entreprendre. Pour entreprendre avec tout mon être, j’ai dû me libérer de certaines croyances limitantes. Sur l’argent, par exemple. Sur l’enfantement et la maternité. Et sur ce qu’est être une femme libre dans le monde d’aujourd’hui. Ce sont de gros bouleversements toujours en cours, et c’est loin d’être fini.

J’ai voulu parler de ce que je ressens aujourd’hui face à l’idéal d’égalité homme-femme, mais j’aurais pu aussi appeler cet article « La liberté enchaînée », tellement c’est plus vaste que cela. Car la liberté aujourd’hui n’est pas forcément là où on l’imagine.

Et finalement tout est lié : la liberté dont nous disposons vis-à-vis de nos corps, de nos émotions, dans l’enfantement, l’éducation… c’est la liberté dont nous disposons tout court. Aujourd’hui, en France, nous ne sommes pas libres.

Les avancées du projet

Si vous êtes toujours là, merci de m’avoir lu ! Cela me fait vraiment chaud au cœur. Et j’ai quelques avancées concrètes à vous partager !

En attendant le coeur du projet, qui est encore en chantier, j’ai commencé à mettre en ligne quelques outils à destination des futurs parents. Découvrez-les dès maintenant, vous pouvez les télécharger gratuitement avec le code « AVANTPREMIERE » ! N’hésitez pas à les partager avec vos proches concerné.e.s, je suis preneuse d’un maximum de retours dans cette phase de test.

Un petit aperçu de ce gros projet en chantier, la capture d’écran du graph de mon outil de gestion de projet 😅

J’ai une autre chouette nouvelle pour vous ou pour vos proches : je vous en ai déjà parlé de Quantik Mama, cette sage-femme québecoise extraordinaire qui a changé ma vie avec sa préparation à la naissance et au post-partum. Le code « NAISSANCE » permet désormais d’accéder à tous les modules à -20% !

C’est un magnifique cadeau pour tous les futurs parents, de ceux qui peuvent vraiment leur changer la vie.


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